Big Bang au Brésil

Certains s’attendaient à ce qu’il prêche l’union et le rassemblement après une campagne électorale très âpre dans un pays très divisé, mais le chef de file de l’extrême droite a finalement tenu un discours musclé. « Le peuple a commencé à se libérer du socialisme », a-t-il assuré, en mettant en cause « les idéologies qui menacent de détruire nos valeurs ». Auparavant, dans un premier discours devant le Congrès, Jair Bolsonaro avait évoqué la « mission de restaurer et de rétablir notre patrie, en la libérant définitivement du joug de la corruption, de la criminalité, de l’irresponsabilité économique et de la soumission idéologique », notamment en matière d’éducation, en souhaitant « de bonnes écoles capables de préparer les élèves au marché du travail, et pas à devenir des militants politiques ». En matière économique, le président Bolsonaro a appelé le Congrès à appuyer ses « réformes structurantes » tout en promettant de suivre une politique de libre-échange et de rigueur budgétaire. « Nous devons créer un cercle vertueux en la matière afin de rétablir la confiance nécessaire en notre économie pour permettre d’ouvrir notre marché au commerce international », a-t-il souligné. De nombreux chantiers attendent le nouveau président Déjà propulsé au statut de « mythe » par ses admirateurs, il promet de changer la donne après des années de corruption et de piètre gouvernance. D’emblée, il a annoncé la couleur : il est pour un rapprochement avec Israël tout en épousant les théories de Donald Trump. Il a choisi Twitter pour annoncer la libération du port d’armes par décret. Il veut aussi remettre au pas le système éducatif contaminé, selon lui, par l’idéologie marxiste. Les chantiers sont nombreux : « Il faut commencer par traiter le problème de la corruption et de la violence. 60.000 morts par an… c’est inconcevable ! », s’exprime l’un de ses partisans venus de Rio pour assister à son investiture. Entre 250.000 et 500.000 personnes ont fait le déplacement à Brasilia pour la cérémonie qui s’est déroulée le 1er janvier et où un dispositif de sécurité impressionnant a été mis en place. Un système antimissiles, vingt avions de chasse mobilisés et l’espace aérien fermé dans un rayon de plusieurs kilomètres : Jair Bolsonaro ayant frôlé la mort lors d’un attentat à l’arme blanche en plein bain de foule durant la campagne électorale, les autorités n’ont rien laissé au hasard. L’atout Paulo Guedes Si la personnalité du nouveau président interpelle, la grande majorité des investisseurs voient d’un bon oeil son arrivée au pouvoir. Ils sont d’autant plus optimistes que le chef de l’Etat va doter Paulo Guedes, son ministre de l’Economie, de prérogatives élargies. Ultralibéral, cet ancien banquier promet de rompre avec les politiques sociales-démocrates en vogue, selon lui, depuis plus de vingt ans. « On sent que la confiance des investisseurs est en train de revenir. Après les élections [NDLR : et la défaite de la gauche en octobre], l’incertitude a commencé à se dissiper », estime José Carlos Faria, chef économiste de BNP Paribas pour l’Amérique latine. Les prévisions de croissance ont été revues à la hausse. L’Institut de la finance internationale (IIF) table ainsi sur une progression de 2,5 % du PIB en 2019. « Evidemment, la situation budgétaire demeure le talon d’Achille du Brésil, note Martin Castellano, chef économiste de l’IIF pour l’Amérique latine. La nouvelle équipe au pouvoir doit veiller à réduire ce déficit pour renforcer la confiance. » Réformes attendues L’option libérale en vue de l’ouverture de l’économie brésilienne, souvent citée comme l’une des plus fermées au monde, donnera au pays « la chance de s’intégrer davantage à l’économie mondiale », assure Fernando Honorato, chef économiste de la banque Bradesco. Malgré un a priori plus que positif envers le nouveau gouvernement, tout dépendra à l’avenir de la mise en place des réformes, notamment celle des retraites et des privatisations. « Si le programme d’austérité est mis en place, il y aura un impact positif sur la confiance. Le Brésil a tout pour repartir de l’avant et croître à un rythme de l’ordre de 3 % », note Margarida Gutierrez, professeur d’économie à l’Université de Rio. Amélioration des conditions de vie Pour l’instant, l’optimisme prévaut . José Carlos Faria estime que la réforme des retraites a 65 % de chances d’être adoptée par le Congrès. « Mais si elle ne l’est pas, cette embellie risque de ne pas durer », admet-il. De son côté, la population se montre résolument enthousiaste. A l’heure des voeux de fin d’année, il n’est pas rare que les Brésiliens ajoutent une petite phrase du style : « En espérant que notre nouveau président améliore les choses ! » De fait, deux tiers des personnes interrogées par l’Institut Datafolha à la fin de l’année s’attendent à une amélioration de leurs conditions de vie, alors qu’elles n’étaient que 38 % en août dernier.

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